J'émerge difficilement ce matin... Depuis que je suis à Fossholl, je dors davantage, et je ne me lève plus à l'aubre!
Or, ce matin, il ne faut pas traîner au lit. Aujourd'hui est un très grand jour pour moi.
Parce que... Depuis le temps que j'en rêve...
Aujourd'hui, je vais aller à Askja! Eh oui.
Mes nouveaux amis me l'ont poposé hier soir. Et j'ai fini par accepter. Ils n'ont pas eu besoin de me torturer pour obtenir mon acquiescement!
De toute façon, ils y vont. Ce qui m'ennuyait, c'était de les obliger à revenir sur Fossholl pour moi. Mais ce camping leur plait aussi, et ils veulent également revenir ici. Ce qui leur plait aussi, c'est de ne pas avoir besoin de démonter-remonter la tente. Et ils me demandent en échange de leur faire visiter le site de Myvatn après-demain! Ils passeront donc les deux prochaines nuits ici, et nous passerons ces deux journées ensemble.
Marché conclu!
Au niveau de la météo, je ne pense pas que nous pouvions faire mieux. Ciel somptueux. Température douce.
Petit déjeûner sur la table de pique-nique du terrain de camping, dehors.
Ambiance vacances. Visages souriants. Humeur excellente.
Peru après 9 heures, Eric lance Jimmy, le 4x4. Et c'est parti pour une journée qui devrait, normalement, être bonne, très bonne...
Arrêt à Reykjahlid pour donner à boire à Jimmy, jusqu'à plus soif. Opération indispensable. Plus aucune station avant ce soir, ici même!
Les mouches nous entourent. Vanessa est heureuse d'avoir pris la décision de rester camper à Fossholl. Je confirme! Vous savez à quel point j'aborre ces bestioles. C'est en partie aussi à cause des mouches que je loge là-bas!

Les choses sérieuses vont commencer.... Arrivée sur la F88.

Hrossaborg. Il signale le début de la piste F88. Quelques explications ici.

On a dansé sur la Lune...

C'est fantastique!

Le bonheur de marcher sur une terre vierge... tout en sachant que nous ne sommes pas obligés d'y vivre! Eric ne se sent plus. Il laisse éclater son bonheur.
Que nous partageons tous les trois avec la même intensité!

Plus loin, des colonnes basaltiques émergent du sol. Dans la lumière matinale. C'est splendide.

Sur la ligne d'horizon, à droite, on distingue un phénomène qui va nous accompagner toute la journée. Un mirage...
Non, ce n'est pas une rivière. C'est juste une illusion d'optique.
Bienvenue dans le plus grand désert de lave Islandais.

Bienvenue dans l'immense Odadahraum. "Odadahraun signifie désert des méfaits (ou crimes) car c'est ici que se réfugiaient les meurtriers, hors-la-loi et proscrits" (source). C'est aussi sur ce terrain que les astronautes s'entrainèrent avant d'aller sur la Lune -s'ils y sont vraiment allés.... Les photos pouvaient être prises ici sans aucun problème!
Bienvenue dans un autre univers.
Vous pénétrez dans le royaume des Hautes-Terres. Dominé par l'Herdubreid. Là-bas. Dont la silhouette ne va plus nous quitter!

Herdubreid. Volcan tabulaire. 1.682 mètres.

Peu à peu, le paysage change. Oui, même dans un désert de laves. C'est absolument fantastique, car il n'y a pas de monotonie ici.
Ou bien sommes-nous à ce point fascinés que rien ne nous échappe, tout nous attire, tout nous éblouit...?

Une zone de lave cordée. Nous sommes tous les trois comme des enfants devant un nouveau jouet...
Nous sommes exactement sur la même longueur d'onde. Sous le charme. Tout simplement.

La piste serpente au milieu de la lave et des champs de pierre qui se succèdent alternativement.
Akitsu passait aisément ici. Mais son pilote est tellement plus serein avec Jimmy. Juste admirer, sans stress. Le bonheur total!

Lorsque le moteur de Jimmy s'arrête, c'est un silence... absolu. Rien. Pas un oiseau. Pas une seule mouche (pas grave...)
Bouche bée. Nous retenons presque notre respiration.

Puis, au détourt d'une courbe, la nature nous offre un nouveau cadeau.
Vous connaissez ce fleuve, je vous l'ai déjà présenté. C'est la Jökulsa à Fjöllum, qui fait Dettifoss là-haut, vers le Nord.
Une angoisse nous étreint soudain. Fugacement. Non, pas possible. Il n'est pas franchissable par gué. Pas lui!

De l'autre côté, sur notre gauche, vers l'Ouest... Terres solitaires. Terres propices à la méditation.
Et au régime, aussi...

La Grafarlandaa. L'eau la plus goûtée d'Islande, c'est du moins ce que j'ai lu par la suite sur Internet.
Nous pensons la même chose en même temps, et ce au moment où nous la découvrons.
Cette fois, nous sommes devant notre premier gué. Le petit Jimmy qui nous a doublé nous le prouve... Il est là, sur le bas-côté, et attend que quelqu'un d'autre prenne l'initiative!

La route s'arrête ici. Le panneau est très clair. Doucement. Traverser sur la gauche, en arrondi. Suivre le haut-fond, en arc de cercle.
Les excellentes pages maintes fois lues sur le site de Yann Pichon concernant les passages de gué nous reviennent en mémoire. Oui. C'est bien!

Nous descendons voirt de plus près. Du côté gauche, là où nous devrions passer.
C'est notre premier gué. Ce premier coup d'oeil ne nous rassure pas vraiment.
En arrière-plan, certains auront déjà reconnu l'Herdubreid, qui ne nous quitte pas des yeux!
Au premier plan, à droite, la piste pénètre se perd dans les eaux sombres de la Grafarlandaa.
La rivière vient de franchir une petite cascade.
C'est très joli mais, allez savoir pourquoi, nous ne l'apprécions pas à sa juste valeur.
Nous sommes soucieux! Quelques mots avec nos compagnons du moment, le couple venu aussi en Jimmy. Non, ils attendent de voir les autres!
Impossible donc de compter sur eux, ils attendront que nous passions.
Survient un autre véhicule, plus gros, qui nous avait dépassé précédemment, mais qui s'était arrêté pour quelques photos sans doute.
Arrêt juste devant l'eau, contrairement aux deux Jimmy "timides" arrêtés sur le bas-côté...
Leurs occupants descendent.
Grosses lunettes de soleil. Volubiles. Pas de doute sur la langue, ce sont des Italiens. Comme seuls les Italiens savent l'être.
Et remontent. Et passent, plutôt vite. Et filent au loin.
Nous applaudissons. Et sommes plutôt rassurés. Du moins, notre pilote, Eric, se sent pousser des ailes.
Allez, on y va. Il est pressé de se battre, maintenant. Il en a envie. Il n'a plus peur du tout.
C'est bien ce qui m'inquiète...

Allez. C'est parti. Eric est lancé, il n'écoute plus rien. Vanessa lui dit "à gauche", mais il n'écoute pas, il n'entend pas.
Il est concentré? Allez savoir. Je l'entends, comme dans un rêve, crier "Youpeeeeeee...."
Et nous sentons le petit Jimmy qui s'enfonce, ralentit, poursuit sa route et, lentement, bravement, émerge de l'eau, repoussant l'élément liquide devant son capot.
Nous remontons maintenant, et nous accompagnions maintenant Eric avec des cris de joie, comme des fous.

Nous descendons de voiture. Nos compagnons, là-bas sur l'autre rive, participent à notre joie en applaudissant. Ils vons se lancer à leur tour.

Contrairement à Eric, ils passent bien à droite, là où l'eau est la moins profonde. Et ça semble tellement facile!
Eric est passé plus à gauche, et c'était nettement plus profond.
Nous applaudissons à notre tour. C'est très agréable. On ressent une certaine entraide humaine. Après tout, nous sommes dans la même galère....

Un dernier coup d'oeil en arrière. Avouez quand même que c'est impressionnant, et peu engageant....
Bon, on verra ça ce soir. Les eaux devraient être plus fortes, en fin d'après-midi, compte tenu de la fonte des glaces, toujours plus importante en fin de journée.
C'est ce que nous avons lu sur tous les sites. Traversez les rivières le matin, le plus tôt possible!

Passé l'oasis de la rivière, nous retrouvons immédiatement l'environnement minéral.

Une grosse formation de lave attire notre attention sur la gauche. Un arrêt s'impose.
Une voiture vient de nous doubler, comme vous pouvez le voir...

Le brave petit Jimmy. Nous comptons sur lui. Pour l'instant, il est parfait!

Sensation étrange de marcher ici. Nos pas s'enfoncent presque de la hauteur de nos semelles. Comme lorsque j'avais marché sur la lave de la péninsule de Reykjavik.
La végétation est quand même là. Discrète, mais tenace. Car il faut vraiment l'être, pour s'installer ici.


Eric nous rappèle à la voiture où il est retourné. L'heure passe, mais nous n'avançons pas... L'Herdubreid était à 60 km de la route n°1, Askja est à 100 bornes, la caldeira à 108 km, et il faudra bien revenir. Or, nous sommes encore loin de l'Herdubreid. Et il est déjà 11h40... Incroyable!
Il a raison. Nous repartons. Nous aurions pourtant aimé rester plus longtemps! Des fissures dans la lave, de la belle lave cordée, su sable noir immaculé. C'était superbe.

La piste traverse une nouvelle zone, totalement différente. Le gros bloc de lave que nous avons vu était un prémice de ce qui nous attendait. Nous nous enfonçons, puis émergeons de temps à autre, d'un immense dédale d'énormes blocs épais et fissurés, craquelés. Fantastique ici aussi. Jimmy doit ralentir, mais poursuit sa route vaillamment.

Soudain... Non. Pas possible! Si?
Oui, si l'on en croit la présence des trois véhicules stationnés sur le bord de la piste, et des gens postés sur la berge, regardant le courant.
Pas de doute, voici notre deuxième gué.
Impressionnant. Très impressionnant. Nous nous sentions forts après le passage du premier. Ce sentiment n'a tété que très fugitif, finalement!
Nous retrouvons le couple "Jimmy", et deux autres véhicules.
Je dis "nous". Mais en fait, Eric n'est pas impressionné. Il regarde, ne dit rien. On voit qu'il faut aller à gauche, bien à gauche. Faire un bel arc de cercle. Nous discutons avec nos voisins, et c'est ce que tout le monde dit, attendant en même temps que l'un d'entre nous se décide à passer en premier...
Je me tourne vers Eric, mais il n'est plus là. Je me retourne. Il est en train de monter dans sa voiture, me regarde et me dit de venir. Il veut y aller le premier!
Quoi? Mais il est enragé. Il dit à Vanessa de monter dans un autre véhicule, de façon à ce qu'elle puisse le filmer pendant la traversée. Un des pilotes accepte spontanément, et se dirige aussi vers sa voiture.
Je rejoins Eric, un peu crispé, et m'installe à son côté.

La Lindaa.... C'est large, quand même, et je serre les fesses alors que les petites roues du petit Jimmy s'enfoncent dans les eaux sombres.
J'entends Vanessa crier "à gauche, à gauche!", car l'ami Eric va à gauche, mais vraiment pas longtemps. Très vite, il redresse ses roues, et va droit devant. Il n'entend rien. Je ne dis rien, ne voulant pas rajouter d'ordre inutile, et surtout émanant de quelqu'un qui n'a aucune expérience. Eric est transporté par l'enthousiasme. Je sens que Jimmy peine. Nous sommes bien enfoncés dans l'eau maintenant. J'ai comme l'impression qu'Eric accélère un peu. Le temps s'écoule lentement, très lentement. On avance à peine. Nous sommes maintenant au milieu de la rivière, mais je ne sais pas si nous sommes à l'endroit le plus profond.
Puis tout d'un coup, j'entends Eric s'exclamer à nouveau. "You-hou-hou.... Yee-peeee". Je me détends. Oui, effectivement, on ressort doucement de l'eau. Le stress se libère d'un seul coup, et j'accompagne Eric dans sa joie. Il fonce maintenant dans une grande gerbe d'eau, se gare sur le côté droit un peu en vrac, ouvre sa portière et lève les bras en guise de triomphe. Il exulte.
Là-bas, de l'autre côté, c'est aussi l'explosion de joie. Tout le monde applaudit. C'est tout simplement génial.
Moment inoubliable.

Les autres s'activent maintenant. Tout le monde suit. J'aime bien cette ambiance. De bons moments.

Ils vont tous beaucoup plus à droite qu'Eric! Il m'avoue en aparté qu'il sentait parfaitement le courant essayant de pousser Jimmy, et reconnaît qu'il aurait dû aller plus à droite lui aussi! Mais il faut bien admettre que cette direction est quelque peu irrationnelle. S'engager dans une rivière d'abord dans le sens du courant n'est pas naturel, et il faut se forcer pour le faire! Le spectacle des autres véhicules le faisant est édifiant, ils avaient moins d'eau. Et quand on est moins profond dans l'eau, cette dernière a beaucoup moins de force! Logique, très logique.
Mais peu importe maintenant, non? Nous sommes désormais entièrement libérés du petit stress que nous ressentions. Nous avons passé les deux gués. La route de l'Askja nous est grande ouverte!

Nous arrivons auprès de l'Herdubreid. Il y a là une piste d'atterrissage, un petit camping, un refuge. Des voitures. Nous nous consultons rapidement. On file. Nous avons envie d'arriver à Askja, et de manger là-bas. On s'arrêtera au retour, si on a le temps!
Le paysage change à nouveau complètement. Incroyable Islande. Généreuse, très généreuse en panoramas.
D'ailleurs, peut-on parler de panoramas? C'est UN panorama continuel, absolu. Partout, de tous les côtés, toujours.

Je ne suis pas le seul à "bombarder" ce paysage grandiose. Vanessa n'en loupe pas une, et Eric est contraint de s'arrêter une fois de plus. Mais il le fait de bonne grâce.

Fantastique. Inoubliable. J'adore cette portion.

Encore 13 km, plus 8 pour atteindre la caldeira. Je dis "encore". Ce n'est pas vraiment le sens de ce que nous ressentons. Nous sommes heureux d'être ici, et nous aimerions aller encore moins vite. Mais nous voulons tout. Nous voulons marcher jusqu'aux cratères de l'Askja.
Alors nous savons que nous ne devons pas traîner.
Alors que nous avons envie de traîner...

Fantastique!
Quoi? je l'ai déjà dit? C'est extraordinaire, sensationnel, formidable, énorme. Hallucinant. Je suis vert!
OK? Vous avez bien compris ce que je ressens en regardant ce spectacle.
Et en plus, vous n'entendez pas ce que nous entendons! Vous n'entendez pas ce silence. Prodigieux silence.

On approche de l'Askja. C'est ce massif, au fond. Pas frappant. Pas renversant. Mais c'est ça!
Un peu plus loin, un spectacle incroyable nous attendait. Une superbe jeune fille, blonde, la magnifique crinière se balançant dans l'air, est en train de faire du jogging. Elle court dans la même direction que nous. Est-ce un rêve? Sommes-nous sur une autre planète? Elle nous adresse un magnifique sourire alors que nous la dépassons!
Nous apprendrons plus tard qu'elle est "ranger" au refuge d'Askja! Et qu'elle se faisait un petit "dix kilomètres" pour se maintenir en forme!

Refuge de l'Askja. Restaurant. Terrain de camping. Au loin, l'Herdubreid nous montre son autre face, étrangement semblable.
Nous mangeons ici.

Un canyon s'enfonce dans les entrailles du monstre. J'aimerais y aller, Vanessa aussi. Mais Eric nous remet dans le droit chemin: d'abord la caldeira! On verra ensuite.
Bien, chef!

Le refuge des "rangers".

Pour "monter" à la caldeira, la route pénètre au coeur d'un très gros champ de lave récente, noire. Une fois de plus, un changement total.
Une fois de plus, c'est "énorme"!

Les contrastes, les couleurs, les formes, tout est beau. Il n'y a pas de déchet ici!
Au fond, l'Herdubreid, sous un aspect que l'on ne lui connaissait pas.

Il reste quelques plaques de neige.

Voilà. Nous avons laissé Jimmy sur le parking bien encombré, et nous partons pour une balade de 2,4 km -aller- vers le cratère Viti, et le cratère de l'Askja, dans lequel se trouve le lac Öskjuvatn.

L'immense caldeira de l'Askja. La description sur le site de Yann est édifiante, je vous y renvoie....

Que dire devant tant de beauté. Je n'ai pas les mots qui conviennent.

Muet d'admiration.

Je vous laisse la parole... dans le livre d'or. Soyez gentils, dites-moi si vous avez ressenti quelque chose, et si oui, quoi...?
Il n'y a aucune raison pour que je sois le seul à me décarcasser!



Whouaahh. Je sais que nous arrivons. Au premier plan, des touristes sont scotchés devant le spectacle.
Ce ne peut être que le cratère Viti, que l'on devine, profond, à leurs pieds.
Et au second plan, c'est le cratère de l'Askja, rempli d'eau. Le lac Öskjuvatn.