15 Août. Et voilà maintenant 4 mois que je suis sur la route, et je n'en reviens pas de la vitesse à laquelle le temps défile!
Mais vous le savez bien.
Depuis quelques jours, j'ai décidé d'aller voir la plus grande chute d'eau d'Europe -Dettifoss, en Islande, "of course..."- en partant d'ici, de mon camping préféré, et en revenant le soir ici! Oui, je sais, c'est un peu débile, car il y a des campings là-bas -à Asbyrgi, tout près. Mais je n'ai pas de très bons renseignements sur ce camping, et je suis trop bien sur le mien!
J'ai demandé aux spécialistes du forum France-Islande leur avis sur les deux routes qui conduisent à Dettifos, et les réponses me permettent de penser que je peux emprunter les deux en moto, bien que l'une d'entre elles soit une piste "F".
Il fait beau ce matin. Et j'ai envie de rouler. C'est parti.

9h30, et je suis déjà à Myvatn (50 km, c'est beau d'être en moto!).
Je n'ai jamais vu le lac comme ça. regardez! Des vaguelette sur toute sa surface. Le vent est très violent, dangereux. Mais il est constant, ce ne sont pas des rafales. C'est ainsi que je roule complètement penché, équilibrant ainsi les forces. C'est fatiguant.

Passage près de Namafjall, forcément...

Cette montagne, visible de très loin, est, je pense, le Hagong. Elle se trouve à l'Est du Krafla. Comme toujours avec les paysages Islandais, elle se déplace très lentement dans mon champ de vision, un peu comme si j'étais en vélo.... Elle se trouve au Nord de la route n° 1, donc sur ma gauche -puisque je vais vers l'Est, c'es-à-dire à droite- ... hi hi ..

Des volcans éventrés parsèment la plaine désertique qui fait son apparition. La plaine.... D'immenses étendues recouvertes de lave, de bans de sable de lave, de mousses, de cailloux de toutes tailles...

A perte de vue. Au loin, presque des dunes de sable!
Peu après, sur ma gauche, j'arrive à l'intersection de la F862 avec la route n° 1. C'est là que je devais tourner. Décision prise ce matin avant de partir: je commence par la F862, puisqu'aussi bien c'est la plus difficile, puis je fais les deux-trois balades incontournables au Nord de Dettifoss, je mange à Asbyrgi, et retour par la 864, avec un nouvel arrêt à Dettifoss depuis l'autre rive cette fois, et retour à la maison à Fossholl-Godafoss.
Oui, mais je change d'avis. Pourquoi? Mais vous êtes d'une curiosité, c'est absolument incroyable! Bon, OK, je vous explique, sinon, je vais en entendre parler pendant des mois!
Je change d'avis à cause du soleil! Eh oui. Dettifos est orientée Est-Ouest (ou l'inverse, Ouest-Est, ça marche aussi bien), sur une rivière qui, elle, est orientée Nord-Sud (ou Sud-Nord, pour être exact, mais je ne vois pas ce que ça change pour nous). Or, si je prends la F862, je vais me retrouver sur la rive Ouest, en fin de matinée. Et le soleil se lève où? Hein? Comment? Je n'ai pas bien entendu. L'Est?
Exact. Le soleil se lève à l'Est. Je vais l'avoir en face de moi. Bon, c'est vrai, il aura monté dans le ciel depuis son lever, et en plus, il y a une couverture nuageuse qui semble se confirmer. Mais grise-blanche, qui reflète bien la lumière! Non, pas possible, je dois commencer par la rive Est. Ce serait dommage de gâcher de la pellicule. Je reviendrai donc par la F... Ce sera parfait aussi pour les photos, puisque pour le coup, le soleil sera à nouveau dans mon dos. Un timing parfait. Une analyse parfaite.
Une exécution...

Je poursuis donc sur la une, la 864 se trouvant une vingtaine de km plus loin.
L'herbe a du mal à s'y fixer. La poudre de lave est tellement fine qu'elle vole à travers la plaine. Les vaguelettes l'attestent d'ailleurs: c'est presque comme avec un élément liquide. En tout cas, c'est un élément mouvant, les spécialistes des dunes de sable le savent bien.J'en prends plein le casque, tout est brouillé, je ne vois pas les montagnes à l'horizon.
Bref, je suis dans un désert, avec une ambiance de désert.

La F88. Une route mythique, une parmi les nombreuses routes que j'aimerais être capable de "faire".
Je croise d'ailleurs deux motards -BMW GS 1200 encore. Elles représentent bon poids 80% des motos de touristes que je rencontre dans ce pays - qui viennent juste de la quitter. Il y a un petit parking, devant les pancartes explicatives. En effet, au début de chaque route de catégorie "F" -piste-, il y a des informations.
Askja est à 100 km exactement! Et la caldeira est à 108 km.
Et le vélo est celui d'un des deux Autrichiens qui sont en train de se préparer pour la route! Ils vérifient leurs sacs, et sont en train d'installer tout ça. Le bus vient de les déposer. Ils y vont.
Les pauvres, comme ils vont souffrir. mais comme ce sont des masos.... Non, je rigole! Le goût de l'Aventure, le goût de l'effort, le besoin de se surpasser... Un peu de tout ça à la fois!
Je m'arrête parce que je veux photographier le début de cette route, les pancartes qui vont avec, bref, garder ce souvenir à défaut de l'autre!

Voilà, tout est dit! Prochaine station à 268 km, c'est le maximum de la Transalp. Aussi devrais-je obligatoirement prendre un bidon supplémentaire si je devais faire cette route au-delà d'Askja. Réservée aux 4x4. La silhouette ressemblant à une tente, entre les deux pancartes, est celle du Herdubreid. Et comme indiqué sur le panneau, le Herdubreid est à 60 km... Soixante km de la montagne, par temps brouillé, c'est tout bonnement incroyable!
Entre temps, si le vent se maintient puissant, le ciel se décompose complètement et, de bleu ce matin, est en train de devenir gris-blanc. Moche.

Et Akitsu sur le parking de la F88, au croisement avec la route n° 1. Elle attend les ordres.
On reprend la grande route, ma p'tite.

Un peu plus loin, je traverse la Jökulsa a Fjöllum

Dans un paysage incroyable de pierres et de brins d'herbes jaunes.

A perte de vue. Des nuages de poussières emplissent l'horizon lointain.

Le courant est violent, voire très violent. C'est elle qui forme la Dettifos.

La plaque va devenir complètement illisible si ça continue... Vous l'aurez compris, je viens de traverser le pont, et je m'arrête pour regarder la violence des flots. C'est un spectacle qui me fascine. L'eau qui peut être si calme peut montrer une puissance insoupçonnable, et en Islande, elle ne s'en prive pas le moins du monde!

Et voilà, je viens de quitter la route n° 1 et de prendre la 864, pour la remonter vers le Nord jusqu'à la cascade. Il paraît que ce n'est pas le meilleur côté pour la voir.
Qui vivra verra. Plus sûr est celui-ci: qui ira verra. Sauf s'il est aveugle, bien sûr, mais là, vous me cherchez des pous dans la tête, non?
Ils me l'ont tous dit, et je ne suis donc pas surpris. La 864 est une route de tôle ondulée.

Et là-dessus, il n'y a pas 36 solutions. Soit tu roules vite, soit tu roules au pas. Sinon, c'est insupportable! Par moments, c'est un peu mieux au centre, par moments tout à droite (mais alors, la couche de graviers est plus épaisse). Et il y a un peu de trafic. Enfin, un peu seulement! Et à chaque fois, je me prends le nuage de poussière. Le vent est toujours aussi violent.

La route est assez loin de la rivière, mais s'en approche au bout d'un moment. La voici donc à nouveau, la Jökulsa a Fjöllum, qui prend ses aises ici dans cette plaine, qui s'étale, large, très large.


A gauche comme à droite... Fantastique. J'adore. A perte de vue! la rivière coule au loin. Les traces de poussières sont certainement des voitures roulant sur la F862, qui est plus ou moins parallèle à la 864.




La Jökulsa a Fjöllum dans la plaine.



Où l'on revoit -enfin, on ne l'a jamais perdu de vue, en fait- le Hagong! Bien sûr, les voitures ne sont pas seules responsables des nuages de poussière que vous voyez. Le vent transporte aussi le sable tout seul, il fait son boulot, celui pour lequel il est payé!




Une petite bifurcation part de la 864 pour nous conduire au-dessus de Dettifoss. C'est d'la triche. Parce qu'on la voit du haut, de loin. L'effet de surprise est retiré!
La cassure dans la roche est énorme. La puissance ne l'est pas moins, c'est bien visible. J'ai hâte d'y être, je me frotte les mains comme avant un bon repas.

Le chemin est bien préparé, bien propre. C'est agréable de marcher sur ces grosses dalles.
On devine le canyon, un peu après les personnages. En face, au-delà, c'est l'autre rive. La F862, à deux pas, pas même une portée de fusil!

J'arrive en vue du canyon. Vers le Nord, la Jökulsa a Fjöllum poursuit son chemin, inlassablement, depuis des lustres...
Une autre cascade tombe là-bas, on la pressent. C'est la Hafragilsfoss.

Mais... poursuivons notre chemin. Il est vrai que je me laisse très facilement distraire, lorsqu'il s'agit de paysages.
Pas besoin d'être devin ou détective privé pour savoir où se trouve la chute d'eau. Le nuage de vapeur qu'elle soulève est visible de fort loin.
De plus, avec le fort vent, je peux vous garantir qu'il mouille aussi de fort loin, et je dois déjà essuyer l'objectif!

En approche du monstre. Il n'y a plus de chemin. Et la marche est désormais bien difficile.
Pas question de s'avancer le nez en l'air, il faut bien regarder où l'on met les pieds!
C'est un vétitable dédale de grosses, voir énormes pierres qu'il faut escalader, contourner sans cesse.
Evidemment, sur un tel terrain, la moyenne chute très vite.

Les eaux sont déjà bien énervées avant de se jeter dans le vide. Savez-vous pourquoi? Parce qu'elles viennent déjà de s'y jeter. En effet, les "petites" chutes que vous apercevez dans le lointain sont les "restes" d'une autre chute d'eau -eh oui, c'est la mode, ici, on fait des cascades en série- qui répond au doux nom de Selfoss.
Je suis encore loin. C'est le zoom qui me permet de voir si loin. Il y a des gens sur l'autre rive, vers Selfoss.

La faille m'impressionne.

Un petit coup de zoom.
Bon sang de bong sang, quelle violence! ET le bruit assourdissant. Oui, c'est clair, c'est bien ce à quoi je m'attendais, au vu des photos admirées ici ou là!

La plus puissante d'Europe, dit-on! 45 mètres de hauteur, 100 mètres de largeur, son débit moyen est de 193 m3 par seconde, qui est sur-multiplié lors des crues. La Jökulsa à Fjöllum est le second plus long fleuve d'Islande, avec 206 km, et il a la plus grande surface de captage, 7.750 km2. Mais c'est aussi la région la plus sèche d'Islande, et le fleuve ne transporte que le tiers du volume d'eau qu'il reçoit. Les deux-tiers sont absorbés par les roches poreuses traversées. Les basses terres de la baie d'Öxarfjördur ont été formées par les sédiments transportés par la Jökulsa à Fjöllum. Pendant l'été, la Jökulsa à Fjöllum devient moins puissante, et se teinte des débris glacials qu'elle transporte, environ 23.000 tonnes par jour! Oui, vous avez bien lu... 23 MILLE TONNES par jour, ce qui nous donne pratiquement MILLE tonnes à l'heure, soit 266 kilos à la seconde. Lorsque je la regarde, là, comme ça, 266 kilos de cailloux passent à chaque seconde. Hallucinant! Je n'invente rien. Recopié sur un des panneaux affichés sur le site.


En fait, le problème de cette chute d'eau, mais son environnement. Presque entièrement noir et blanc.
Peu de couleur, juste un peu de marron, à peine de vert.
Et le ciel bleu se retire doucement.



C'est presque du noir et blanc.

Les couleurs des vêtements apportent une petite touche de gaieté.

Je ne peux que vous laisser regarder.
Je vais faire un tour pendant ce temps. Je reviens.





Voilà. Je suis en train de dépasser le lieu le plus spectaculaire. Toutes les photos ont été prises au zoom, de loin.
En effet, je veux d'abord aller voir Selfoss, et je m'occuperai de celle-ci au retour. Une certaine façon de faire monter la pression.
Pourtant, il n'y en a pas vraiment besoin, ici...



Ah si, un peu de couleurs. L'arc-en-ciel, classique près d'une chute d'eau!

Zoom vers l'autre rive. La puissance du fleuve peu avant la chute est énorme. La couleur marron trahit la forte présence des sédiments.

Et là, c'est "mon" côté. Je suis le chemin qui serpente à travers les énormes éboulis.

Vue de 3/4 arrière vers l'autre rive. Dettifoss est à droite, forcément!


La rivière a creusé son lit dans le basalte, qu'elle nous dévoile au fil des millénaires.
Vers Selfoss.

Vers Dettifoss.



Et soudain,
au détour du chemin,
Selfoss
se déchausse.
C'est une perle splendide. Deux grosses cassures. Ou bien une cassure en deux morceaux.
Sur la droite, affaissement longitudinal, et en face, au-delà du promontoire, à peine visible, juste perceptible, un affaissement transversal, comme celui de Dettifos.
Ainsi, nous obtenons deux chutes dans la même, voire bien davantage, puisque l'affaissement longitudinal est justement si long qu'il génère à lui seul une grande quantité de cascades plus petites, mais néanmoins puissantes! Même sur cette photo, vous ne voyez pas tout. Il y en a encore plusieurs sur la droite!
Impossible à photographier dans son ensemble.
Pire, les embruns apportés par les rafales de vent sont d'une telle puissance que mon objectif est trempé, comme sous une pluie battante, dès que je le tourne vers les chutes!

Les voici...



Cette photo, c'est ce qui se trouve à droite de la précédente! C'est tout simplement énorme.


Alors, vous trouvez ça comment?

Ce n'est quand même pas mal, non?

Une excellente machine à laver aussi, la "petite" Selfoss...


Et le fauve file vers Dettifoss, rugissant, tous muscles bandés. Remarquez ces cassures partout. C'est très très impressionnant.

Vers Selfoss. On voit un peu mieux, car je me suis éloigné au maximum pour ne plus recevoir les embruns, et j'ai zoomé.
On voit les deux cassures, et on pourrait même presque avancer que Selfoss se précipite dans une cassure ayant la forme d'un hameçon de pêche, car une partie de l'eau du fleuve tombe aussi en cascade à gauche. Je suis allé me promener sur cette partie gauche. Difficile, et très glissant, à cause des énormes embruns générés par la chute des flots et le vent les soulevant en même temps. Mais très impressionnant parce qu'on se retrouve presque encerclé par les eaux, sans y prêter spécialement attention. On passe de pierre en pierre, pour finalement constater qu'on se retrouve au milieu de la cassure gauche!


Retour vers Dettifoss. J'ai l'impression ici de marcher au milieu des ruines d'un temple Grec ou Romain...

... la suite ci-après